•  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  

ChroniqueFermer la boucle

Le voilier-école Ecomaris

Le voilier-école Ecomaris

Photo : Edith Bélanger

La semaine dernière j’ai participé à un séjour sur le voilier Ecomaris en compagnie d’une dizaine d’autres membres de la communauté Washipekuk de la nation Wolastoqey. Nous avons levé l’ancre à partir de Rimouski pour traverser le fleuve en direction de la baie de Tadoussac, où nous avons passé une nuit. Prochaine étape, le fjord du Saguenay, où nous sommes remontés jusqu’au cap Trinité, avant de redescendre pour s’ancrer dans l’anse à la Barque, juste à côté de la traverse Tadoussac–Baie-Ste-Catherine. Ensuite, nous avons passé une nuit au mouillage de l’île du Pot à l’Eau-de-Vie, en face de Rivière-du-Loup, avant de conclure le voyage à Québec après une dernière nuit devant L’Isle-aux-Coudres.

Nous sommes de retour à terre depuis quelques jours, mais mon esprit se retrouve encore de temps à autre sur le voilier. Je repense à des moments marquants, à des anecdotes qui me font sourire et à toutes ces réflexions que ce séjour a fait naître dans ma tête.

Sur un groupe Messenger, nous échangeons des photos que nous avons prises à bord. Certaines sont hilarantes, d’autres sont tellement belles qu’elles donnent envie d’écrire de la poésie, mais toutes montrent clairement à quel point la cohésion entre les membres du groupe a évolué rapidement.

Au début de la semaine, chacun maintenait une forme de distance sécuritaire avec ceux et celles qu’il ne connaissait pas. Sur les dernières images, l’énergie est différente. La confiance, la complicité et l’amitié sont palpables tant entre les participants qu’avec les membres de l’équipage.

Après une semaine à parcourir la portion maritime de notre territoire ancestral, le Wolastokuk, avec d’autres membres de la communauté, certaines choses ont changé. Il faut dire que cette expédition nous a fait vivre des moments uniques qui ont transformé notre relation avec notre territoire et notre identité.

Se baigner dans l’eau glacée du fjord du Saguenay pendant que d’autres tressaient du foin d’odeur sur le pont.

Hisser les voiles devant la montagne sacrée du Gros-Cacouna et voir passer un groupe de bélugas sous le voilier et faire surface devant nous.

Pleurer de rire en essayant d’enregistrer un chant traditionnel en groupe devant L’Isle-aux-Coudres baignée par la lumière du coucher de soleil.

Préparer un repas pour dix-huit personnes en écoutant du rap autochtone dans une cuisine grande comme mon garde-manger.

Entendre résonner des mots en wolastoqey latuwewakon comme jamais dans nos vies quotidiennes.

Veiller le soir en écoutant des histoires de la tradition orale devant le phare de l’île du Pot à l’Eau-de-Vie avec la trame de fond assourdissante des oiseaux nicheurs qui étirent leur journée tant qu’ils peuvent dans la lumière qui meurt.

Se faire raconter les étoiles, partager des histoires de pêche, jaser de politique, se confier à des gens à qui on n’aurait peut-être même jamais parlé, et ce, grâce à ce voyage. Pleurer de nostalgie, pleurer de colère, pleurer d’espoirs.

C’est ça que nous montrent les photos. Un groupe d’inconnus qui a tissé des liens qui ressemblent étrangement à ceux d’une famille. C’est probablement le plus proche que nous pouvons être de ce que nous ancêtres et nos arrière-grands-parents ont connu de cette communauté avant que le gouvernement nous force à nous disperser. Dans le temps où tout le monde savait ce que c’était que d’être Wolastoqey dans chaque moment du quotidien.

Après ce séjour, je suis convaincue que la magie de l’eau a opéré. Dans les paysages changeants de cet élément, on retrouve plusieurs choses qui reflètent notre combat pour rester vivants et honorer la mémoire de ceux qui sont venus avant nous.

Dans nos enseignements traditionnels, l’eau porte la mémoire. Elle est aussi l’élément associé aux émotions, la base essentielle au développement de toute forme de vie. C’est aussi par les réseaux hydrographiques reliant l’océan, le fleuve, les lacs, les ruisseaux et les rivières que se sont construits notre compréhension et notre amour pour ce territoire, le Wolastokuk, et ce, depuis près de 10 000 ans.

Ce séjour, élaboré dans le cadre du développement du programme des gardiens du territoire, offre une perspective intéressant sur les défis de la protection de notre héritage culturel et territorial.

Il rejoint aussi les paroles d’une ancienne grande cheffe de la communauté, Anne Archambault, malheureusement décédée il y a quelques mois. Au moment d’acquérir les permis de pêche commerciale communautaires au début des années 2000, elle avait déclaré : C’est par l’eau que nous allons revenir.

Elle avait raison, j’en ai maintenant l’intime conviction.

Vous souhaitez signaler une erreur?Écrivez-nous (Nouvelle fenêtre)

Vous voulez signaler un événement dont vous êtes témoin?Écrivez-nous en toute confidentialité (Nouvelle fenêtre)

Vous aimeriez en savoir plus sur le travail de journaliste?Consultez nos normes et pratiques journalistiques (Nouvelle fenêtre)

Chargement en cours

Infolettre Espaces autochtones

Chaque semaine, suivez l’essentiel de l’actualité autochtone au Canada.

Formulaire pour s’abonner à l’infolettre Espaces autochtones.

Espaces autochtones

Un travail journalistique sérieux, constant et curieux est le meilleur moyen de dévoiler et expliquer des réalités que beaucoup ne soupçonnent peut-être pas. Et donc de comprendre. C'est ce que nous nous proposons de faire. Découvrir, informer, comprendre, expliquer.

— Soleïman Mellali, rédacteur en chef