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AnalyseIran-Israël : la désescalade est-elle possible?

De nombreuses personnes brandissent des drapeaux de l'Iran et de la Palestine.

Des partisans du gouvernement iranien tiennent un drapeau palestinien géant sur la place de la Palestine, à Téhéran, le 14 avril 2024.

Photo : Getty Images / AFP/ HOSSEIN BERIS

La réplique massive, tôt dimanche matin, de l’armée iranienne contre le territoire israélien, en réponse à la frappe meurtrière du 1er avril contre le consulat d’Iran à Damas, ouvre-t-elle la voie à une escalade pire que tout ce qu’on a vu jusqu’à maintenant? À une guerre ouverte et directe entre ces deux ennemis irréductibles depuis bientôt 50 ans, mais qui s’étaient jusque-là limités à des frappes « de côté » ou à des opérations par agents interposés?

Autrement dit, pour reprendre l’expression catastrophiste désormais banale et consacrée : pourrions-nous assister, demain, à un embrasement général du Moyen-Orient?

C’est aussi effrayant que possible, mais ce n’est pas certain. Tout dépend du choix que feront maintenant les officiels israéliens, entre une réponse maximaliste et une réponse minimaliste. Et aussi, de l’influence qu’auront ou non les autorités américaines, qui plaident ouvertement pour la retenue, mais dont les exhortations passées, face à la tragédie de Gaza, n’ont eu que peu d’effets sur les radicaux et les suprémacistes en poste à Jérusalem.

Le pire a été évité

En l’absence de cette défense antiaérienne extraordinairement efficace – presque 100 % des 300-325 drones, missiles balistiques et missiles de croisière iraniens ont été interceptés dimanche matin – les dommages matériels et humains à Israël auraient pu être importants. Et dans un tel cas, l’équation serait aujourd’hui très différente. Elle serait alors basée, comme pour le 7 octobre, sur une réponse impitoyable et décuplée à une véritable agression sanglante.

Vue de loin d'un système antimissile en action durant la nuit dans une ville.

De la ville d'Ashkelon, un système antimissile israélien a été activé afin de répondre à l'attaque de drones et de missiles en provenance d'Iran.

Photo : Reuters / Amir Cohen

Proche-Orient, l’éternel conflit

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Un panache de fumée s'élève à la suite d'une frappe aérienne israélienne, dans la ville de Gaza, le samedi 7 octobre 2023.

Or, agression sanglante il n’y a pas eu, dans cette nuit du 13 au 14 avril. Le bilan humain de l’attaque est voisin de zéro : une seule personne, une fillette bédouine vivant dans le désert du Néguev (au sud), a été blessée. Et non pas, semble-t-il, par une frappe directe de l’Iran, mais par une retombée de la défense antiaérienne d’Israël.

Considérer une réplique strictement en fonction d’un tel bilan pourrait donc signifier des représailles symboliques, de faible intensité, et la voie possible vers une désescalade du conflit.

C’est ce que préconise Washington, qui a fait valoir à son allié israélien que la réussite à presque 100 % du bouclier antiaérien est en soi une réponse et une victoire face à l’agression iranienne.

Une possible déclaration de guerre

Si, au contraire, Israël décide de répondre à ce qui est tout de même une attaque massive et sans précédent d’un État hostile, qui dans sa rhétorique officielle préconise toujours l’éradication de l’État juif, alors tout change.

Les raids de samedi soir deviennent une agression inouïe, symboliquement énorme, à laquelle toute réponse adéquate doit être maximale, se rapprochant d’une véritable déclaration de guerre.

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Dans un tel cas de figure, Nétanyahou pourrait commander des représailles massives sur le territoire iranien, y compris contre ses installations nucléaires, qui sont la hantise et la bête noire d’Israël, lui-même un État doté de la bombe atomique, alors que l’Iran est réputé capable de produire une arme nucléaire, à l’horizon d’un an ou deux.

On entrerait alors dans un univers nouveau, avec une guerre directe et ouverte entre Israël et l’Iran, et des ramifications internationales qui pourraient impliquer les États-Unis, la Russie, la Chine et l’Europe. L’embryon d’une guerre régionale, voire mondiale.

Il est donc capital, pour bien comprendre cet épisode, de souligner et de prendre en compte le caractère minimal des dommages infligés dimanche matin à Israël.

Un coup publicitaire plus que militaire

Il manque encore un détail capital sur ce point : à savoir, que tout cela n’était pas par hasard! Au contraire, telle était l’intention probable des Iraniens : faire un beau coup d’éclat, un coup publicitaire, pouvoir claironner : Nous nous tenons debout face à l’ennemi sioniste. Mais sans tuer personne, pour ne pas s’attirer ensuite le feu du ciel venu d’Israël.

Après l’outrage du 1er avril, Téhéran souhaitait, d’abord et avant tout, y aller d’une démonstration de force à usage intérieur, mais aussi à la face du monde arabo-musulman, dont l’Iran se prétend le porte-flambeau…

De ce point de vue, après cette attaque meurtrière d’Israël contre un consulat (16 morts, dont deux généraux iraniens, plus une destruction totale du bâtiment), il fallait absolument faire quelque chose, répliquer, avec une certaine envergure, pour ne pas sombrer dans la défaite morale et la perte de prestige, voire l’humiliation et l’insignifiance.

Des personnes marchent devant une murale représentant des combattants armés de fusils d'assaut.

Des femmes passent devant une murale anti-israélienne représentant des combattants armés de fusils d'assaut, sur la place de Palestine à Téhéran, le 14 avril 2024.

Photo : AFP / ATTA KENARE

Il fallait le faire, tout en calibrant soigneusement la réponse. Une réponse qui se devait d’abord et avant tout d’être visible, à grand renfort de tambours : tel était le but premier de toute l’opération. L’attaque a été annoncée, puis elle a été revendiquée et pointilleusement reliée par Téhéran à la frappe du 1er avril. C’était l’essentiel.

C’est tellement vrai que dans la communication officielle iranienne, l’épisode est aujourd’hui présenté comme un brillant succès. On a filmé des scènes de réjouissances à Téhéran. Tout cela, malgré l’efficacité de facto nulle, voisine de 0 %, de toute l’expédition.

Autrement dit, l’affaire a été davantage conçue comme une opération de relations publiques que comme un raid militaire, lequel a été mis totalement en échec par les défenses israéliennes.

Israël a été averti

Un dessin, mis en ligne le 14 avril, d’Ali Ferzat, célèbre caricaturiste syrien (torturé par le régime de Bachar Al-Assad au début de la révolte démocratique de 2011, il a ensuite choisi l’exil), fait voir un Ali Khamenei, le guide suprême iranien, qui téléphone à Nétanyahou : l’Iranien indique à l’avance à l’Israélien le type de missiles, l’heure et les cibles choisies!

Une caricature, mais à peine : on sait que Téhéran a effectivement informé plusieurs voisins d'Israël – l’Égypte, la Jordanie – de ses intentions, afin qu'ils puissent l'avertir.

La prouesse technique de cette défense antiaérienne, épaulée pour l’occasion par des avions américains, britanniques et autres, était certes remarquable. Quant à la supériorité militaire d’Israël sur l’Iran, elle paraît évidente.

Il n’empêche, sans la soigneuse mise en scène de Téhéran, sans ses avertissements savamment distillés, avec une attaque – pourrait-on dire – presque programmée pour échouer militairement, la situation serait très différente aujourd’hui et autrement dramatique.

Reste la question capitale : Israël va-t-il embarquer, et saisir cette perche de la désescalade lancée par l’ennemi juré? Les Américains feront-ils entendre raison à leurs chers alliés, en leur signifiant clairement qu’ils ne veulent pas d’un conflit ouvert contre l'Iran?

Réponse dans les prochains jours, au cabinet de guerre israélien…

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