Dans l’œil d’Ivanoh : l’objectivité en photo de presse
Ivanoh Demers, photojournaliste depuis plus de 20 ans, commente des images qui ont marqué l'actualité des derniers jours.
L’ex-président des États-Unis et actuel candidat républicain Donald Trump a parlé aux médias en arrivant à l’aéroport d’Atlanta, le 10 avril 2024.
Photo : Getty Images / Megan Varner
Candidat républicain pour les prochaines élections présidentielles aux États-Unis, Donald Trump fait face à de nombreuses poursuites judiciaires au civil et au criminel. À son arrivée à l'aéroport d'Atlanta afin d'animer une collecte de fonds pour sa campagne électorale, il s'est présenté devant les médias.
La photographe Megan Varner a cadré le politicien et homme d’affaires à travers une barrière de sécurité. L’effet derrière les barreaux
évoque la possibilité d’une condamnation de Donald Trump.
Comme l'ex-président encourt une peine de détention (du moins, en théorie), choisir cet avant-plan est osé, mais pertinent.
Est-ce que la photo est impartiale? Exprime-t-elle un certain biais, alors que le verdict n’est pas connu? Est-ce qu'on devrait s’abstenir de la publier?
Ce sont des questions à se poser plus tard. Dans le feu de l’action, il vaut mieux appuyer sur le déclencheur. On fera le tri par la suite.
Il est toutefois important de capter aussi des images qui illustrent des opinions divergentes.
Un sujet polarisant suscite des réactions intenses. Certains lecteurs seront furieux de voir qu’on laisse entendre que Donald Trump ira un jour derrière les barreaux. D’autres encenseront cette prise de vue.
Un chien s’est immobilisé sur les rails lors de l'inauguration d’un réseau ferroviaire à Cardal, en Uruguay, le 16 avril 2024.
Photo : Getty Images / AFP / DANTE FERNANDEZ
C'était l'inauguration d'un service de transport par train en Uruguay, cette semaine. Le photographe Dante Fernandez a remarqué la présence d’un chien sur la voie ferrée. Il s'est placé en plein centre de la voie pour obtenir un point de fuite équilibré et a pris sa photo.
La mise au point sur le chien suscite notre intérêt. On perçoit tout de même le train qui vient vers nous.
Une technique de base en photographie de presse est d’utiliser l'avant-plan pour diriger l’attention vers le sujet principal. Ici, la position du chien apporte du dynamisme dans la composition de l’image.
Comme le photographe a transmis ses photos, j’en conclus que le chien et lui s’en sont sortis indemnes…
Un ouvrier dans une plantation d’agaves, utilisés dans la fabrication de la téquila, dans la ville de Tequila, au Mexique, le 16 avril 2024.
Photo : Getty Images / AFP / ULISES RUIZ
Le photographe Ulises Ruiz a réalisé une série de photos dans une plantation d’agaves de la ville de Tequila, au Mexique.
L’immense plante est projetée en l’air par un employé. Le moment est spontané. Le mouvement et l’aspect de l’agave rendent cette image attrayante. Les plantes sur le sol ferment le cadre.
Une très belle composition.
Lorsque je regarde des photos, j’aime me faire surprendre. Cette fois, j’ai été impressionné par la grosseur de l’agave.
Le corps d’un oiseau sur le sol lors d’une sécheresse dans la région de Bogota, en Colombie, le 8 avril 2024.
Photo : Getty Images / Diego Cuevas
On a vu à maintes reprises ce genre d'images. Un sol craquelé pour illustrer la sécheresse.
Ce qui est frappant, dans cette photo, c’est la couleur vive du petit oiseau. Parfaitement centrée, la dépouille orange contraste avec le sol brun aride.
Le contour de l’image a été noirci en postproduction pour isoler le sujet. L’oiselet mort, le bec ouvert, confère beaucoup d’impact à la photo.
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Mon clin d'œil de la semaine
J’ai été témoin de l’arrestation d’un homme très agité, cette semaine. La scène s’est déroulée mercredi matin, dans le centre-ville de Montréal.
Je me suis rapidement dirigé vers elle pour la documenter. Lorsque je prends des photos d’une situation imprévue, j’essaye de le faire avec discrétion.
Après avoir photographié les protagonistes de face, j’ai décidé de proposer une version plus anonyme de la scène, avec les gens vus de dos. Ne sachant pas comment la situation allait évoluer et en tenant compte des possibles implications juridiques, j’ai gardé en tête qu’il pourrait être nécessaire de respecter l’anonymat des intervenants.
Arrestation d’un homme par des agents du SPVM dans le centre-ville de Montréal, le 17 avril 2024.
Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers