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Racisme au Canada : des mots pour dire les maux

Dessins représentant des personnes aux origines diverses

Racisme au Canada: des mots pour dire les maux.

Photo : RCI

RCI

Ce dossier a été publié pour la première fois le 20 mars 2021

On désigne habituellement le Canada comme un pays d'immigration, un pays ouvert à la différence, adepte du multiculturalisme.

Nous avons donc voulu faire entendre des victimes du racisme, faire entendre les mots qui disent les maux.

Ce dossier regroupe quelques témoignages de victimes de racisme au Canada. Des témoignages qui démontrent de façon saisissante, les drames que peuvent vivre ceux dont la peau n'est pas blanche ou dont le nom vient d'ailleurs, qu'ils soient immigrants ou nés au Canada.

Un dossier de Radio Canada International


Alf Bell

Toronto, Ontario

Personne de dos

Pour son témoignage, Alf Bell, a préféré que son nom soit gardé confidentiel.

Photo : iStock

Alf Bell est un spécialiste des relations publiques qui vit dans la grande région de Toronto. Il est arrivé dans la Ville Reine en 2000 comme résident permanent. Pour ce témoignage, il a préféré que son nom soit gardé confidentiel. Cependant, en respect de nos normes et pratiques journalistiques, RCI atteste de son identité.

« Un jour, je suis entré dans un supermarché à Malton, un quartier de Mississauga qui est très diversifié. En fait, je pense qu’il a la plus forte concentration d’Asiatiques du sud dans la région de Peel. Je portais un sac de type étudiant, une sorte de besace, suspendu à une seule de mes épaules et qui n’avait presque rien dedans. J’avais faim et je comptais acheter quelques bananes et un yaourt. Mais quand je suis allé au rayon des fruits, j’ai commencé à sentir que quelqu’un marchait derrière moi de manière synchronisée…

Eh bien, j’ai pensé que ce n’était qu’une coïncidence que ce jeune homme blanc, je dirais d’origine anglophone, se soit arrêté quelques pas derrière moi quand je l’ai fait… mais quand je suis allé à la zone des produits laitiers, j’ai vu qu’il était toujours derrière moi.
Une citation de Alf Bell

Je lui ai donc demandé pourquoi il me suivait. Un peu surpris, il m’a dit qu’il travaillait pour l’épicerie et qu’il voulait simplement s’assurer que je n’allais pas mettre quelque chose dans mon sac et le prendre sans payer. Il pensait que je ferai du vol à l’étalage, quoi!

Je lui ai demandé pourquoi il avait ce préjugé sur moi. Je voulais savoir si c’était en raison de mon air d’immigrant et il m’a répondu que non. Il a dit que c’était parce que beaucoup de personnes qui avaient volé dans cette épicerie utilisaient des sacs comme celui que je portais. Je lui ai alors dit que, pour autant que je sache, il n’était pas interdit d’utiliser des sacs au Canada, où que ce soit, et que ce n’était pas une raison pour qu’il me suive et me harcèle.

J’ai aussi dit que j’avais vu des gens qui ne ressemblaient pas à des immigrants comme moi dans ce même supermarché avec des sacs et des besaces et que personne ne les suivait… Je n’ai pas pu parler au superviseur parce que j’étais pressé, j’allais manquer un bus et je devais partir. En fin de compte, je n’ai rien acheté, bien sûr! »

Témoignage recueilli par Paloma Martinez-Mendez


Vanessa Garcia

Montréal, Québec

Portrait de Vanessa Garcia

Photo: Michael Slobodian

Photo : Radio-Canada

Vanessa Garcia est membre des Grands Ballets canadiens depuis 2006. Elle a gravi tous les échelons de cette prestigieuse compagnie de danse, de corps de ballet à première danseuse. Aujourd’hui, Vanessa est également l’une des chorégraphes des Grands Ballets. Elle est née en Espagne et est diplômée du Real Conservatorio Profesional de Danza de Madrid.

« Récemment, j’ai signalé publiquement un troll qui m’a attaquée sur les médias sociaux. Lorsque j’ai essayé de me plaindre sur la plateforme, on m’a répondu qu’on ne pouvait rien y faire parce que le compte n’enfreignait pas les règles. J’étais sidérée!

C’était choquant et en même temps, pas autant que ça. J’ai été scandalisée de constater que, à l’époque où nous vivons, il y a des gens avec ce genre de mentalité et de valeurs morales douteuses, c’est assez décevant…

Mais en même temps, je n’ai pas été surprise parce que ce n’est pas la première fois que je suis victime d’insultes racistes ou d’actes discriminatoires et je suis sûre que ce ne sera pas non plus la dernière fois, malheureusement.J’ai un autre exemple du passé. C’était dans la section des opinions d’un grand quotidien montréalais en janvier 2017.

L’auteur du texte a écrit que, pour pouvoir jouer un rôle principal, j’avais dû blondir mes cheveux, pâlir ma peau. Et que j’avais tout d’une Blanche.

Vanessa Garcia est membre des Grands Ballets canadiens depuis 2006.

Larawan: Sasha Onyshchenko

Photo : Radio-Canada

Après de nombreuses discussions et difficultés avec le journal et les personnes responsables de la publication de ces opinions, j’ai finalement obtenu une rectification…Mais c’est quelque chose de traumatisant qui m’a suivie au fil des ans, comme un nuage d’orage au-dessus de ma tête.

Je n’ai jamais entendu un Noir être accusé de faire du whiteface!

À tort, en plus! L'[auteur] tentait de dénoncer un faux acte de racisme, quand le seul raciste de l’histoire c’était lui. C’est un exemple clair de ce que c’est que d’être perçu comme différent de la norme stipulée, comme une bibitte bizarre, constamment jugée et utilisée comme objet de débat.

Je ne sais pas comment je fais, mais je me retrouve toujours dans l’œil de la tempête en étant l’objet de polémiques culturelles et raciales… même si je n’ai rien à voir avec le débat. Je déteste ça!
Une citation de Vanessa Garcia

Ces expériences ont certainement un certain impact sur mon travail, dont la nature exige une présence remarquée dans l’espace public et sur les médias sociaux. Il est très décevant d’être soumise à des critiques et parfois à des insultes, non pas pour mettre en doute mes capacités et mes compétences en tant qu’artiste professionnel, mais plutôt pour me juger sur la base de mon apparence physique ou de mes origines culturelles.

Il est frustrant de devoir constamment me défendre et me justifier simplement parce que j’ai la peau foncée. Beaucoup de gens choisissent de vous juger prématurément et de vous aliéner avant de vous donner une chance… c’est la triste vérité.

La plupart des personnes blanches n’ont pas à vivre constamment dans la peur d’être agressées ou avoir à se battre chaque jour pour le droit de vivre une vie normale, en paix.

C’est triste de voir que malgré la coexistence de plusieurs cultures au Québec, il y a encore du racisme à différents niveaux et une certaine conformité et acceptation de la situation… c’est décevant.

Mais en même temps, je sais que dans d’autres endroits du monde, le niveau de racisme, de violence et de discrimination est encore pire, alors je remercie Dieu qu’au moins ici, je n’ai pas peur d’être tuée juste pour être allée dans la rue acheter du pain ou aller travailler.

Si je vivais dans un autre pays à l’heure actuelle, je ne suis pas sûre que j’aurais pu aller aussi loin dans ma profession de danseuse et j’aurais peut-être dû subir beaucoup plus d’agressions racistes, c’est certain. »

Témoignage recueilli par Paloma Martinez-Mendez


Yan-Maverick Quitich

La Tuque, Québec

Yan-Maverick Quitich est originaire de la communauté atikamekw de Manawan.

Yan-Maverick Quitich est originaire de la communauté atikamekw de Manawan.

Photo : Fournie par Yan-Maverick Quitich

Je suis fier d’être un Atikamekw de Manawan. Un petit leader qui s’exprime avec soin, malgré la perte de sa langue maternelle. Ces mots remplis de sens n’avaient justement plus aucun sens pour Yan-Maverick Quitich lorsque le jeune Autochtone a subi du racisme il y a deux ans. À l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale, il témoigne.

Le 29 septembre 2020, l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador (APNQL) déposait son plan de lutte contre le racisme et la discrimination envers les Autochtones. 24 heures plus tôt, l’Atikamekw Joyce Echaquan mourait dans des circonstances troublantes à l’hôpital de Joliette.

Les dernières paroles qu’elle aura entendues à son égard auront été dégradantes et racistes. Le dépôt du plan ne découlait pas de ce décès. Il était prévu de longue date pour rappeler qu’après 400 ans de cohabitation, il était temps de mieux vivre ensemble.

C’est aussi ce que rappelle d’année en année la Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale. C’est aussi ce que souhaite Yan-Maverick Quitich, 16 ans.

Yan-Maverick est né dans une communauté autochtone, il a grandi dans la bienveillance de sa famille et de son entourage. Il est encore bien jeune quand sa famille déménage à La Tuque, en Mauricie. Près du quart des résidents de cette ville d’environ 11 000 personnes sont des Autochtones.

L’intégration se fait facilement. En classe, les enfants autochtones et allochtones se lient d’amitié sans problèmes. C’étaient mes plus belles années du primaire, se remémore-t-il. Je me suis fait beaucoup d’amis blancs.

Le mot en K

Yan-Maverick aime le hockey. À l’adolescence il y joue de manière récréative, dans la division bantam B. Les joueurs ont tous 13-14 ans. Lors d’un match contre une équipe de Trois-Rivières, à environ 160 km de chez lui, il apprend brutalement ce que veut dire le mot racisme.

Il se fera d’abord insulter par un entraîneur de hockey de l’équipe adverse. Ton crisse de kawish lâche pas mon joueur! Puis par des parents et des jeunes.

Kawish, le mot est lancé. Son origine est nébuleuse, mais ce qu’il sous-entend est particulièrement péjoratif. Il équivaut à se faire traiter de sauvage. Je ne m’attendais pas à ça, fait remarquer Yan-Maverick qui n’avait pas été préparé à recevoir une telle insulte.

Son monde s’écroule soudainement, tout comme ses certitudes. Les jours et les semaines suivantes, il est triste, démotivé. J’ai commencé à ne plus vouloir jouer au hockey, à nier mon identité autochtone.

Un séjour de ressourcement et de discussion dans le bois avec sa mère lui sera bénéfique. Je me suis fait une carapace grâce à ma mère.

Et il a appris à se défendre : Si je me sens attaqué, je réplique avec les bons mots et non avec les poings.

Les bons mots

À quelque part dans notre histoire, nous peaux-rouges, nous kawish. Atikamekw est mon nom de naissance, au-delà des forêts qui nous entourent.

Cet extrait d’un slam signé Yan-Maverick a résonné en décembre dernier lors d’un spectacle-bénéfice organisé en hommage à Joyce Echaquan.

Mon texte raconte ce que nous subissons depuis le premier jour où les hommes blancs sont débarqués. Au début on vivait tous en harmonie, on était tous amis; là, je ne sais pas qu’est-ce qui a changé, [mais] c’est comme ça que le racisme a débarqué.
Une citation de Yan-Maverick Quitich

Il a écrit L’identité l’été dernier, lors d’une semaine musicale organisée par le Centre d’amitié autochtone de Lanaudière.

Ce même été, il s’était fait remarquer lors d’une manifestation en soutien au mouvement Black Lives Matter. On l’avait revu à la soirée aux chandelles pour Joyce Echaquan en octobre. Toujours, il était là pour mes frères et sœurs autochtones, dit-il.

Yan-Maverick avait donc accepté de le livrer haut et fort devant des milliers de personnes dans l’espoir de faire bouger les choses et montrer qu’un Autochtone peut témoigner ce qu’il ressent.

L’expérience a été renouvelée depuis. Y’a du monde qui m’ont invité à faire d’autres shows. Je leur ai lu mon texte, pis tout le monde était ému. Je témoignerai pour vous, je raconterai tout en détail pour nous rendre justice, disait encore Yan-Maverick dans son slam.

Alors, Yan-Maverick a repris l’écriture. Il se penche en ce moment sur L’identité - partie 2. Je raconte comment contredire le racisme, explique-t-il. De ne jamais se laisser faire et de toujours en parler à des personnes de confiance ou de contester, mais avec les bons mots.

Les origines du mot kawish

Personne n’en connaît précisément les prémices. Le terme est particulièrement employé contre des Premières Nations en Mauricie et au Saguenay.

Lors d’un débat à la Chambre des communes à Ottawa, le 26 novembre 2018, concernant le projet de loi S-215, Loi modifiant le Code criminel (nouvelle fenêtre) (peine pour les infractions violentes contre les femmes autochtones), le député libéral de Winnipeg-Centre, Robert Falcon-Ouellette, avance cette hypothèse : Un aîné de Québec m’a expliqué l’origine du terme péjoratif "kawish", que l’on utilise parfois à Québec pour désigner les Autochtones. En fait, la racine du mot est awas, qui signifie "au loin" en cri. Selon l’aîné, ce terme signifie "repousser quelqu’un" et il découle des avances sexuelles que des hommes non autochtones font souvent à des femmes autochtones.

D’autres Autochtones pensent que le terme a été utilisé lors de la Deuxième Guerre mondiale. Il s’agirait d’une contraction des mots Canadian et Jewish, pour rappeler le traitement subi à cette époque par des Autochtones.

Témoignage recueilli par Anne-Marie Yvon


Clelia Rodriguez

Toronto, Ontario

Une femme avec un écouteur blanc dans une oreille pendant une entrevue.

Clelia Rodriguez en entrevue.

Photo : RCI / Rufo Valencia

« Lorsque je suis arrivée au Canada, la dernière chose que j’aurais imaginée est la façon dont la police allait nous traiter ici. Pour moi, c’était une surprise. Ça m’a réveillée.

À l’époque, nous quittions toujours l’école en groupe. Il y avait beaucoup de nouveaux arrivants du Salvador à cause de la guerre. Cette école secondaire était pleine de Salvadoriens nouvellement arrivés, comme moi. Et évidemment, en raison de tous les traumatismes de la guerre encore présents que nous n’avions pas eu le temps de soigner psychologiquement, nous avions tendance à nous chercher les uns les autres.

L’accent salvadorien, cet humour noir qui nous caractérise, me manquait. Notre humour est très particulier. Cela me manquait donc. Ce besoin, cette faim, cette tristesse que j’ai peut-être ressentie de ne pas être au Salvador. Nous avions [tendance] à nous mettre en groupe, et nous marchions vers nos maisons en groupe. Le nombre de fois où nous avons été arrêtés par la police simplement parce que nous marchions en groupe est difficile à évaluer, il y en avait trop.

Puis, au cours de ma dernière année du secondaire, une jeune Canadienne, qui travaillait précisément sur la question [du racisme], est venue nous rencontrer.

Peut-être que les gens ne le comprennent pas aujourd’hui, mais à l’époque, il n’y avait pas le genre de revendications que nous avons aujourd’hui. À l’époque, nous ne faisions pas de choses comme ça parce que nous n’avions pas encore la résidence permanente. Nous avions un permis spécial pour les réfugiés.
Une citation de Clelia Rodriguez

La jeune femme canadienne recueillait des témoignages. Avec une autre camarade de classe, elle a eu l’idée de faire une affiche et de la mettre dans le métro pour parler du racisme. L’affiche montrait trois visages de Latinos, peut-être trop Latinos, je pense qu’ils ont exagéré l’allure.

Elle a appelé à une manifestation. Personne ne s’est présenté. Évidemment, j’y suis allée parce que ça me faisait ch…! Je pense que c’est la meilleure manière [de définir mon sentiment] parce que lorsque quelqu’un arrive à un moment comme celui-là dans sa vie, cela va au-delà de sa propre sécurité. Vous arrivez à un moment où vous réfléchissez et vous vous dites : non, il faut prendre des risques, il faut arrêter tout cela.

Nous avons fait un projet avec la police. Un de leurs représentants est arrivé. À l’époque, c’était le maximum qu’on pouvait faire : une affiche dans la station de métro à Yonge et Bloor. Le journal Toronto Star en a fait un reportage et ça a été conservé dans les archives du quotidien. On peut le trouver en ligne.

Comment peut-on comprendre ce qui s’est passé à l’époque? Comment comprendre la colère de gens comme moi aujourd’hui? Il ne faut plus demander pourquoi on est furieux. Ce qu’on doit faire, c’est de documenter ce que nous avons dû subir à l’école secondaire, ici. Tout a une origine.

Si on veut vraiment comprendre le contexte du racisme ici, il est très important de savoir qu’historiquement, le Canada a été fondé, et a toujours fonctionné sur la base du racisme.

Vous ne pouvez plus utiliser l’excuse de dire : Je ne savais pas que ces choses existaient au Canada. Maintenant, il y a même Alexa, à qui vous pouvez demander : Alexa, y a-t-il du racisme au Canada?. Je vous invite à demander à Alexa, Siri ou Google et à voir ce qu’ils en disent.

Si vous ne pouvez pas comprendre comment vous contribue à la colonisation constante qui a lieu chaque jour dans ce pays, alors ne parlez pas de racisme. Il faut un travail acharné pour savoir où nous vivons. Qui était ici avant nous.

L’année de naissance de ma fille, 1993, a été l’année où ils ont fermé le dernier pensionnat pour Autochtones de ce pays.

Le racisme ne sera pas éliminé si nous ne savons pas qui le nourrit, qui le perpétue. Il ne sera pas éliminé tant que nous ne serons pas en mesure d’élever réellement la voix au quotidien. Que ce soit dans un Starbucks, dans une épicerie, ou chaque fois que nous élevons la voix et que nous disons non, pas aujourd’hui. Il est important d’assumer cette pratique et de l’enseigner aux nouvelles générations. »


Joni Velázquez

Chaudière-Appalaches, Québec

Joni Ismael Velazquez debout près d'une vitrine.

Joni Ismael Velazquez, un travailleur agricole temporaire du Mexique, a fui la ferme où il travaillait dans Chaudière-Appalaches pour se réfugier à Montréal.

Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers

« Je m’appelle Joni Ismael Velázquez Gutiérrez. Je suis Mexicain. Je suis venu au Québec pour travailler dans une ferme d’élevage, dans l’industrie laitière. J’y ai subi un certain degré de racisme et d’abus verbal de la part de mon employeur, parce qu’il nous insultait, il nous grondait toujours, même si ce n’était pas nous qui faisions les erreurs.

Il attirait toujours notre attention avec des mots agressifs : câlisse, mexicano, Guatémaltèque de merde, ici vous n’êtes pas au Mexique, vous n’êtes pas au Guatemala. Vous êtes au Canada! Il fut un temps où il ne nous payait pas pendant un mois. On ne mangeait que du riz salé, mon compagnon et moi.

Une fois, en fait, la seule fois où il m’a emmené acheter [de la nourriture en ville], au deuxième mois de la pandémie, il m’a dit de me mettre dans le coffre de sa voiture parce que, m’a-t-il dit, nous ne pouvions pas être trois personnes dans la voiture. Il roulait à toute allure et il neigeait.

Aussi, parfois je devais marcher pour encaisser mon chèque afin de pouvoir envoyer l’argent à ma famille, ou pour aller acheter de l’eau, parce que l’eau que nous buvions à la ferme était rouillée, elle était rouge. Les installations de la maison n’étaient pas idéales.

Les fenêtres étaient brisées. Le plancher était cassé. La neige s’infiltrait par la porte d’entrée, lorsqu’il neigeait comme maintenant. Le chauffage était à l’ancienne. Nous devions mettre du bois dans un réchaud pour chauffer la maison qui se remplissait de fumée, et quand le bois était mouillé par la neige, nous ne pouvions pas nous réchauffer.

Je pense donc que oui, c’était du racisme parce qu’il nous a traités comme ça.

Lorsque je l’ai rencontré [l’employeur], il m’a dit : Je ne veux pas que tu parles l’anglais. Auparavant, je lui avais dit que je parlais l’anglais. Il a dit : Parle l’espagnol, je comprends un peu, ou bien le français. Je lui ai dit que je ne parlais pas le français.

Un homme s'exprime devant une caméra vidéo

Joni Ismael Velázquez Gutiérrez livre un témoignage poignant.

Photo : RCI

Un jour, un mois après mon arrivée, j’ai vu des amis que j’avais rencontrés à l’aéroport à mon arrivée. Ils m’ont demandé si j’allais bien. Je leur ai répondu que je ne me sentais pas bien parce que je n’avais pas assez à manger, ni assez d’argent pour envoyer à ma famille.

J’ai expliqué que nous étions dans la saison froide, qu’il faisait froid [dans notre logement] et que nous étions envahis par des rats, que la maison était délabrée, les lieux de travail dans un état lamentable, le bétail aussi. Les animaux de la ferme étaient malades, blessés.

Mon ami m’a dit : Je peux te faire rencontrer quelqu’un qui peut t’aider. Il m’a donc donné le contact du CTI (Centre des travailleurs et travailleuses immigrants) et, Dieu merci! Ils m’ont guidé et ils m’ont aidé. Ils sont allés me chercher à la ferme. C’était comme s’ils m’avaient kidnappé à sept heures du soir pour m’amener à Montréal.

Je suis arrivé au Canada avec beaucoup d’émotions et d’espoirs. Comme tous les Latino-Américains qui viennent travailler ici, car c’est pour cela que nous venons : pour travailler. Comme je l’ai dit, tant qu’ils me paient, je travaille à n’importe quoi. Je travaille douze heures par jour.
Une citation de Joni Velázquez

Je travaillais sept jours par semaine à la ferme et j’avais le sentiment que ma paie n’arrivait jamais à temps ni dans son intégralité. Il fallait parfois attendre un mois pour recevoir notre paie.

Aujourd’hui, je continue toujours à travailler dans les fermes. J’aime la campagne, je suis un éleveur de bétail, vous pourriez me dire que je n’ai pas de bétail, mais je me considère comme un éleveur de bétail parce que j’aime les bêtes.

En ce moment, je travaille dans une ferme de bisons. C’est une nouvelle expérience, c’est très agréable. Les animaux sont plus agressifs, mais il faut savoir comment les traiter pour réussir notre travail. »


Pamphinette Buisa

Victoria, Colombie-Britannique

Pamphinette Buisa accepté de raconter à Radio Canada International son expérience avec le racisme au Canada.

Pamphinette Buisa

Photo : Radio-Canada

Pamphinette Buisa représente le rugby canadien à l’international ainsi qu’aux Jeux Olympiques. Impliquée dans la lutte contre le racisme depuis la mort tragique de George Floyd aux États-Unis, la joueuse aux origines congolaises a participé à de nombreuses manifestations et actions en Colombie-Britannique. Elle essaye également d’utiliser son influence d’athlète pour donner une voix à ceux mis de côté. Elle a accepté de raconter à Radio Canada International son expérience avec le racisme au Canada :

« La toute première fois, j’étais très jeune, j’étais à la garderie. Et, vous savez, quand on est à la garderie, on est très jeune et on n’a pas vraiment de notion précise de ce que sont la race ou le racisme. On n’est qu’un enfant. Nous jouions dans la cour de récréation, et je me souviens qu’une fois, nous étions assis et une petite enfant, une petite enfant blanche, m’a dit : Pourquoi t’es noire? Et moi, j’ai répondu : Je ne sais pas.

Et puis, tout d’un coup, elle a dit le mot en N. Et elle a ajouté : Ma mère dit ceci, puis elle l’a dit. Je ne savais pas ce que ça voulait dire, mais je savais que ça faisait mal.

En grandissant, je ne comprenais pas nécessairement ce que signifiaient ces mots qui m’avaient été décrits et donnés, mais en voyant comment je me sentais, c’était assez difficile de comprendre, de me faire à l’idée du poids de ces mots.

Ce n’était pas nécessairement quelque chose que je comprenais, mais c’était quelque chose qui avait été utilisé historiquement pour armer, détruire et blesser beaucoup de personnes qui me ressemblent.

Et donc pour moi, une grande partie de ce concept de race est quelque chose dont j’ai toujours été hyper consciente, surtout quand j’étais jeune, me déplaçant dans différentes sphères, surtout si c’était une sphère à prédominance blanche. C’est à cette période que j’ai réalisé que j’étais différente. Un jour, je suis rentré à la maison et j’étais comme : Maman, ce gamin m’a appelé le mot en N. Mais mes parents n’avaient pas l’air surpris. Ils savaient. Puis, je me souviens d’avoir eu une conversation [avec mes parents], à l’âge de sept ans il me semble. Je me souviens qu’ils m’ont dit : Tu vas commencer à le remarquer. Tu vas devoir travailler dur. Et puis des choses comme : Tu ne peux pas courir tout le temps parce qu’ils vont te voir plus qu’ils ne verront tes amis courir partout. C’est donc toi qui auras des problèmes, pas tes amis.

Et c’est ainsi que j’ai réalisé qu’il y avait une sorte de double standard. Encore une fois, je ne savais même pas d’où cela venait, mais c’était maintenant la réalité à laquelle je devais faire face simplement à cause de la couleur de ma peau.
Une citation de Pamphinette Buisa

Et, en plus de cela, étant une enfant un peu plus agitée, étant une enfant beaucoup plus énergique, je me suis rendu compte que c’était quelque chose que je devais maintenant affronter et traiter de manière disproportionnée par rapport à mes homologues blancs.

Avec mon privilège [en tant qu’athlète], les possibilités de voyager, de participer à des compétitions internationales offrent davantage de possibilités de partager le message, de communiquer et de responsabiliser les différents acteurs.

C’est important pour moi de mieux comprendre les complexités de ce que signifie représenter le Canada. Je pense que, souvent, je me déplaçais, je travaillais et j’étais aveuglé parce que je ne connaissais pas la diversité de mon pays.

Puis, plus je m’impliquais dans la communauté et observais, surtout à Victoria, à quel point la façon dont nous nous traitons les uns les autres posent des problèmes importants, plus je réalisais ce que cela signifie réellement de représenter le Canada à travers les yeux de quelqu’un qui est citoyen de ce pays mais qui n’a pas d’eau potable, par exemple.

C’est donc quelque chose que j’ai vraiment essayé de promouvoir dans tous les domaines, et pas seulement dans le domaine sportif : Comment puis-je avoir davantage de discussions où je ne monopolise pas l’espace, mais où je mets en avant et renforce ceux qui sont autour de moi et qui ne sont pas dans cet espace?

Témoignage recueilli par Mathiew Leiser


Francisca Mandeya

Iqaluit, Nunavut

Une femme noire souriante, debout devant un immeuble et un conteneur. On voit que la neige couvre le sol.

Francisca Mandeya.

Photo : RCI

Francisca Mandeya est née au Zimbabwe où elle a été confrontée au racisme dès son plus jeune âge. Elle s’est ensuite installée dans le Grand Nord canadien, à Iqaluit, au Nunavut. Là, elle a de nouveau eu à subir des actes de racisme :

AVERTISSEMENT : un terme pouvant choquer certains lecteurs est employé dans la prochaine partie de cet article. Il s'agit d'une citation directe faisant partie du témoignage de Francisca Mandeya, dont nous rapportons ici les propos tels quels.

« La première fois qu’on m’a traitée de nègre, et je le dis pleinement, car même les enfants de six à huit ans m’appellent ainsi, j’ai été choquée, car venant d’Afrique, personne ne m’a appelée ainsi et croyez-moi, ce n’était pas la dernière fois.

C’était choquant que la personne qui me dit cela ait le même âge que mon enfant. C’était la première fois, le jour de l’Action de grâce.

J’ai pleuré, je ne comprenais pas pourquoi ils étaient si agressifs avec ces mots et pourquoi ils m’ont suivi. Je ne savais pas ce qu’ils allaient me faire.
Une citation de Francisca Mandeya

Alors j’ai publié un message sur Facebook et j’ai dit : Vous savez, j’entends tous ces mots qui ne décrivent pas qui je suis. Je ne suis même pas noire, c’est la robe que je porte qui est noire. Alors, pourquoi m’insulter comme ça ? Pourquoi est-ce que ça me suit? Pourquoi est-ce que ça m’intimide comme ça?

Et donc je suppose qu’au fond de moi, en voulant faire les choses bien, ce sont certaines de ces expériences qui m’ont donné envie de changer les choses.

Ce que j’ai fait, c’est d’aller dans ma communauté, de tendre la main à des gens qui ne me ressemblent pas ici dans la ville d’Iqaluit, dans le but d’être accepté, dans le but de dire au monde que je suis un être humain de même valeur, avec des droits égaux méritant un traitement égal.

J’ai tendu la main à ma communauté, à des gens qui ne me ressemblent pas, des Pakistanais, des Inuit, des Africains de Jamaïque, des Caucasiens de partout, nous nous sommes réunis.

Une femme

Francisca Mandeya

Photo : Francisca Mandeya

Et j’ai partagé une histoire, l’histoire de l’Arc-en-ciel, une histoire de diversité que nous avons appelée Canadaversity, et que nous avons présentée ici pendant le Toonik Tyme [NDLR : une célébration annuelle des traditions inuites et le retour au printemps], il y a trois ou quatre ans.

Et nous nous sommes tellement amusés! Nous nous sommes retrouvés dans une étreinte d’amour après la représentation. Nous ne parlions pas. Tout le monde ressentait l’amour. Je n’avais pas besoin de les connaître depuis longtemps.

Voilà mon engagement à contribuer à la société, à essayer de rendre la vie meilleure pour nous tous. Je ne prétends pas avoir tout compris. J’apprends encore à me connaître. Ils me détestaient, la douleur reste en moi. Mais je peux affirmer sans hésitation que je me suis engagée à réduire l’obscurité en moi et à faire briller ma lumière intérieure.

Et cette lumière est alimentée par un amour inconditionnel.

Je suis en train de créer un mouvement de mères, sachant qu’en tant que mères, les leçons que nous transmettons à nos enfants ont une incidence sur la vie dans ce monde, et qu’elles peuvent changer le monde. Donc, en tant que mères, vous enseignez la vérité. Personne sur cette Terre n’a choisi de naître tel qu’il paraît. »

Témoignage recueilli par Mathiew Leiser


Mohammed Mahmoud

Montréal, Québec

Photo de face d'un homme.

Mohamed Mahmoud.

Photo : RCI / Offerte par Mohamed Mahmoud

Mohammed Mahmoud et sa fille Layal, résidents de Montréal. Porter des noms comme Mohammed ou Mahmoud pourrait ne pas faciliter la vie en Occident. Le Canadien d’origine syrienne à qui nous avons parlé en porte les deux. Il est arrivé au Canada avec sa famille au début des années 1990.

En 2011 Mahmoud a déposé sa candidature pour un poste au sein de l’entreprise multinationale pour laquelle il travaillait et dont le siège est à Montréal. Le poste convoité était celui de chef d’unité dont Mahmoud faisait partie. Il a été attribué à un collègue de Mahmoud, non issu de l’immigration, qui avait moins d’expérience que lui.

Le lendemain, un autre collègue de Mahmoud, son ancien directeur qui l’avait embauché dans l’entreprise, lui a demandé s’il comptait faire quelque chose à cet effet. Mahmoud lui a répondu à quel effet?. À l’effet que tu n’es pas devenu le chef de ton unité de travail, lui a répondu son collègue. Et pourquoi n’ai-je pas obtenu ce poste?, lui a demandé Mahmoud. À cause de ton nom: Mohammed Mahmoud, lui a répondu son ancien patron.

Des répercussions sur toute la famille

Cet événement a poussé Mahmoud à faire une réflexion sur son avenir au sein de l’entreprise. Il a finalement décidé de la quitter et travailler ailleurs. Mahmoud ajoute que sa fille Layal (ce n’est pas son vrai prénom) a, elle aussi, connu la discrimination dans la société d’accueil.

C’était en 1993, l’année qui a suivi l’arrivée de la famille à Montréal. La famille venait de déménager dans un quartier populaire peuplé surtout de Québécois francophones après avoir vécu dans un immeuble près du parc La Fontaine dont la moitié des résidents étaient des immigrants.

Le lendemain de l’emménagement, Layal, qui avait sept ans, est descendue dans la rue jouer avec les enfants. Une femme, debout sur son balcon, l’a remarquée et lui a lancé à haute voix Retournez dans votre pays! Vous n’avez pas d’affaire ici!.

Environ une décennie plus tard, après les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis revendiqués par l’organisation djihadiste Al-Qaïda, un camarade de classe a lancé à Layal si je savais que tu étais Arabe, je ne me serais jamais assis à côté de toi!.

Layal, qui est née en Occident et ne porte pas le hijab, endure à ce jour des comportements qu’elle qualifie de racistes de la part de certains collègues de travail québécois.

C’est son teint basané qui révèle qu’elle est issue de l’immigration et aussi son nom de famille, Mahmoud, qui l’exposent à ce qu’elle considère du micro-racisme auquel elle fait face au sein de la société québécoise dont elle fait partie.


Hassan

Ottawa, Ontario

Le centre-ville d'Ottawa

Hassan réside à Ottawa, la capitale fédérale du Canada.

Photo : iStock

Il y a des voitures qui causent des ennuis à leurs propriétaires en raison de leurs problèmes mécaniques. Il y a aussi des autos très fiables en ce qui concerne la mécanique, mais qui causent des ennuis d’un autre genre à leurs propriétaires, surtout s’ils sont des Noirs. Hassan (ce n’est pas son vrai prénom), d’origine africaine, nous a raconté les ennuis qu’il a eus au volant de voitures de luxe.

Hassan habite Ottawa depuis un quart de siècle et y possède un magasin de voitures d’occasion. Auparavant, il a vécu environ quatre années à Montréal mais a quitté la métropole québécoise pour la capitale fédérale en quête de meilleurs horizons économiques.

Il y a une quinzaine d’années, Hassan a eu des ennuis avec la police parce qu’il conduisait une BMW. La police l’a arrêté et lui a demandé les papiers prouvant qu’il était le propriétaire de l’auto. Il a montré ses papiers et on l’a laissé partir.

Dans les deux mois suivants, des patrouilles de police l’ont arrêté deux autres fois pour le même motif : on lui demandait ses papiers et ceux de l’auto.

Quand Hassan a demandé aux agents de police pourquoi on l’arrêtait de nouveau pour vérifier ses papiers, ils lui répondaient que c’était un contrôle de routine, un contrôle aléatoire ou que beaucoup de BMW ont été volées dernièrement, ce qui nécessitait plus de vérifications auprès des conducteurs de cette marque allemande.

Hassan était convaincu que se faire arrêter par la police trois fois en autant de mois au volant de sa BMW relevait plus du profilage racial qu’autre chose. Il s’est alors présenté à un poste de police et a manifesté son mécontentement de ce qu’il lui était arrivé, mais il a entendu les mêmes justifications.

Hassan a alors vendu sa BMW afin de ne plus faire l’objet de ce qu’il considérait un excès de vérification de la part des policiers.

Après cette expérience, Hassan a de nouveau été arrêté par la police au volant d’une Lexus que possédait un ami. Celui-ci lui avait confié la mission de la vendre pour lui.

Cette fois aussi c’était un contrôle de routine. Quand les agents ont vérifié tous les papiers et se sont assurés que Hassan était vendeur de voitures d’occasion, ils l’ont laissé poursuivre son chemin.

Cas de profilage racial

Après cet incident, Hassan a décidé de ne plus conduire des voitures de luxe même s’il en avait les moyens, sauf en cas de nécessité en lien avec son travail, pour éviter des ennuis avec la police. Hassan nous fait part aussi d’un autre incident, à Ottawa aussi, de ce qui pourrait bien relever de la discrimination raciale

Il a eu un accident de la route avec une autre auto il y a environ quatre ans. La police est arrivée. L’agente a pris la déposition de la conductrice de l’autre auto, une femme blanche, mais pas celle de Hassan.

Quand Hassan a demandé à l’agente pourquoi elle ne prenait pas sa déposition à lui aussi, elle lui a répondu que la déposition de la chauffeuse de l’autre auto était suffisante.

Trois jours plus tard, Hassan a reçu un constat d’infraction assorti d’une amende de plus de 400 $. La police l’accusait d’avoir brûlé un feu rouge, ce qui aurait causé l’accident avec l’autre automobiliste.

Hassan a nié avoir commis cette infraction et l’a contestée devant la cour municipale.

Hassan dit que le juge a reproché à l’agente de police de ne pas avoir pris sa déposition et de s’être contenté de celle d’une seule partie et, de lui avoir donné une amende plus importante de ce qu’il aurait dû recevoir s’il avait effectivement brûlé un feu rouge.

Le juge a annulé l’infraction et l’amende, selon Hassan.


Li Xixi

Montréal, Québec

Une femme pose devant l'objectif d'un appareil photo

Li Xixi est la directrice de l’organisme Service à la famille chinoise de Montréal.

Photo : Radio-Canada

Depuis le début de la pandémie de COVID-19, les incidents de discrimination contre les Chinois et les Asiatiques ont fortement augmenté dans le monde. La métropole québécoise de Montréal n’y fait pas exception. Li Xixi est la directrice de l’organisme Service à la famille chinoise de Montréal. Dans une entrevue accordée à Radio Canada International, elle raconte certains actes de racisme qu’elle a subi personnellement, mais aussi ceux subis par des membres de l’organisme :

« En avril 2020, j’ai accepté une entrevue avec le journal francophone La Presse. Dans l’entrevue, j’ai parlé de certaines difficultés particulières rencontrées par la communauté chinoise pendant la pandémie de COVID-19.

En raison des barrières linguistiques et des mesures de confinement, certaines personnes âgées malades et les nouveaux arrivants ne savent pas comment communiquer avec le personnel médical ou comment se rendre à l’hôpital. Certaines personnes ont appelé service à la famille chinoise en pleurant et en demandant de l’aide.

Suite à la publication de cet article, j’ai immédiatement reçu un courriel haineux, c’était la première fois de ma vie que je recevais un tel courriel. Dans son message, l’auteur s’attaquait à la communauté chinoise en écrivant : Le virus est venu de Chine. Vous êtes au Québec, pas en Chine communiste. Vous devriez apprendre le français.

Après cela, j’ai publié un texte sur Facebook qui a engendré une série de discussions. J’ai également remis le message en question à la police.
Une citation de Li Xixi

Outre ce courriel, divers incidents de discrimination subis par des membres de l’organisme Service à la famille chinoise me sont remontés.

Fin mars 2020, juste avant le confinement, dans les centres commerciaux de Montréal, lorsque des Chinois entraient dans les marchés gastronomiques, ils pouvaient entendre autour d’eux des personnes dire : Le virus arrive, puis, voir tout le monde se lever et partir.

Une rue de Montréal dans la nuit

Le quartier chinois de Montréal.

Photo : iStock

Dans les fermes de cueillette de fraises, en voyant des Chinois, certaines personnes disaient : Le virus est là .À l’école, certains enfants chinois sont également victimes de discrimination de la part d’enfants d’autres origines. On peut entendre des enfants dire des choses comme : Je ne peux plus être ami avec toi à l’avenir et je ne peux plus m’asseoir avec toi.

Depuis le début de l’année dernière, des statues de lion en pierre dans le quartier chinois de Montréal et des statues bouddhistes dans les temples ont été recouvertes de graffitis malveillants ou endommagées à plusieurs reprises.

Face à cette discrimination, nous appelons la communauté chinoise à s’unir, à oser s’exprimer et à se lever. Nous demandons également au gouvernement canadien de prendre des mesures ciblées pour résoudre ce problème. »


Zhimei Zhang

Montréal, Québec

Le quartier chinois.

Le quartier chinois à Montréal.

Photo : iStock

« Je vis au Canada depuis plus de 30 ans. Personnellement, je n’ai jamais été victime de discrimination en raison de ma couleur de peau, de mon sexe ou de mon âge, mais j’ai entendu et vu de tels incidents dans les nouvelles.

La discrimination raciale existe dans toutes les sociétés du monde.

Dans les sociétés occidentales contemporaines, la discrimination raciale est devenue une question très sensible et même explosive.

J’ai vu et entendu des incidents odieux de discrimination raciale. Mais j’ai aussi constaté que des crimes ont été commis sous la bannière de la lutte contre la discrimination raciale.

Par exemple, dans le mouvement sensationnel Black Lives Matter, un certain nombre de malfaiteurs se sont mêlés à la foule de manifestants pacifiques afin de piller, allumer des incendies et chercher un gain personnel.

Par conséquent, nous devons éviter les généralisations hâtives et procéder à une analyse claire de chaque situation touchant cette question.

De mon point de vue, nous ne devons tolérer aucune attaque personnelle, aucun traitement dégradant ou inégal. Mais tout à la fois, nous ne devons pas trop nous préoccuper de certains mots, de certains regards ni de certains gestes.
Une citation de Zhimei Zhang

Par exemple, je vis dans un immeuble d’appartements pour personnes âgées. La plupart sont francophones et connaissent peu la Chine. La plupart d’entre eux n’ont jamais été en contact avec des Chinois. Je suis la seule résidente d’origine chinoise là-bas.

Parfois, je me sens traité différemment. Parfois je m’assois seule. C’est parce qu’il y a trop de différences culturelles entre nous et que nous ne pouvons pas avoir une conversation profonde. Cependant, j’ai fait des efforts pour apprendre le français, j’ai essayé de m’adapter, et maintenant j’ai des amis dans l’immeuble.

En tant qu’immigrants, nous serons toujours confrontés à la double question d’accepter notre nouveau pays et à celle d’être nous-mêmes acceptés.

Nous ne pouvons pas accepter les autres à 100 %, et nous ne serons pas non plus acceptés à 100 % par les autres. C’est normal et il n’est pas question de savoir qui transformera qui. C’est précisément à cause de ces différences que le Canada est un pays tolérant qui permet à des cultures multiples de coexister et de briller ensemble. »


Eileen Lao

Vancouver, Colombie-Britannique

Une femme habillée en rouge devant la porte d'entrée d'une maison.

Eileen Lao réside à Vancouver dans la province de la Colombie-Britannique.

Photo : RCI

« Il y a environ deux ans, nous sommes allés aux États-Unis pour assister à un mariage de famille et nous avons pris un autocar Greyhound pour nous y rendre. À la gare routière, nous étions les seuls asiatiques.

L’autocar étant en retard, nous sommes allés au comptoir de l’accueil pour obtenir des informations sur l’état du service. Peut-être était-ce parce que de nombreuses personnes avaient déjà posé la même question, mais un membre du personnel afro-américain s’est mal comporté avec nous.

Cette personne a délibérément imité mon accent tandis qu’un autre membre du personnel à côté de lui s’est mis à rire bruyamment.

Sur un autre sujet, à la fin du mois de janvier dernier, un couple de Vancouver s’est rendu dans une communauté éloignée du Yukon afin d’obtenir le vaccin contre la COVID-19 dans les meilleurs délais possibles, c’est à dire avant que le vaccin ne soit disponible pour les résidents de Vancouver.

Pour ce faire, une fois rendus au Yukon, ils se sont faussement déclarés travailleurs locaux et ont ainsi réussi à être vaccinés dans une clinique mobile. Mal leur en a pris, leur stratagème a rapidement été découvert par les médias.

Avant même que cette nouvelle-choc ne soit publiée par la presse officielle, un compte du média social chinois ‘WeChat’ partageait déjà l’histoire avec le titre accrocheur « Un couple chinois de Vancouver est allé au Yukon…

Alors, voyez-vous, j’ai vérifié dans les médias anglophones chacune des allégations apparaissant dans le texte de Wechat, et je n’ai trouvé aucun mot laissant penser ou affirmant que le couple de Vancouver était ethniquement chinois ou d’origine chinoise.

Peu de temps après, les médias traditionnels ont révélé que le couple de Vancouver n’était pas chinois et que l’homme était président et chef de la direction de la Great Canadian Gaming Corporation! Cette révélation a incité ledit compte WeChat à supprimer son information non vérifiée.

Les faits démontrent qu’au Canada, la discrimination à l’égard des Asiatiques n’est pas le seul fait des caucasiens.

Cette discrimination peut tout aussi bien provenir d’autres personnes de couleur, et même des Asiatiques eux-mêmes.

Enfin, en toutes circonstances et quelle que soit la perspective, la couverture médiatique devrait rester neutre et factuelle. »

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