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Frédéric Back : la portée de l’œuvre d’un pionnier de Radio-Canada

Frédéric Back : la portée de l’œuvre d’un pionnier de Radio-Canada

Texte : Élodie Gagné

Publié le 25 mars 2022

Rendons hommage à l’artiste Frédéric Back. L’œuvre de cet illustrateur et cinéaste d’exception est intimement liée à l’histoire de Radio-Canada. Nos archives permettent de retracer son parcours sous trois grandes facettes : le pionnier de la télévision, le maître de l’animation et l’artiste engagé.

Frédéric Back anime des dessins à l'aide d'un appareil rudimentaire mais ingénieux sur le plateau de l'émission « Le grenier aux images ».
L'illustrateur Frédéric Back dessine en direct sur le plateau de l'émission « Le grenier aux images » en décembre 1955. Photo : Radio-Canada / Henri Paul

Pionnier de la télévision
Pionnier de la télévision

Frédéric Back fait son entrée à Radio-Canada en 1952 avec l’avènement de la télévision. Il y demeurera jusqu’à sa retraite, en 1993.

D’abord engagé comme lettreur, il porte rapidement une variété de chapeaux au Service des arts graphiques. Cet artiste aux multiples talents réalise des illustrations, des décors, des maquettes et, bientôt, des effets spéciaux pour la télévision.

On pouvait tout tenter, raconte-t-il à l’émission Ciné-Magazine en 1977. Tous les instants étaient occupés ou préoccupés par les différentes formes de création qui s'offraient à nous.

Pour ce nouveau média qui prend son essor, les illustrations permettent d’introduire les émissions, d’assurer les transitions et de présenter les génériques.

La télévision devient un véritable terrain de jeu pour Frédéric Back, qui souhaite en mettre plein la vue aux téléspectateurs canadiens.

Montage d'archives : Le bonheur de créer de Frédéric Back. Réalisation : Patrice Pouliot 

Notre montage d’archives illustre à quel point il se montre inventif.

Peu de temps après son entrée à Radio-Canada, il commence à exécuter des dessins en direct pour des émissions de télévision éducatives, musicales et scientifiques.

En 1953, il succède au caricaturiste Robert Lapalme pour exécuter les dessins humoristiques du jeu-questionnaire Le nez de Cléopâtre.

L’illustrateur « Fred » Back devient alors un personnage de la télévision. Il apparaît de plus en plus souvent sur les plateaux d’émissions afin de réaliser ses créations.

Page couverture de la revue « La semaine à Radio-Canada » titrée « Une grande émission de prestige à la télévision » avec une illustration du plateau de l'émission « L'heure du concert » signée Frédéric Back.
Illustration de Frédéric Back en couverture de la revue « La semaine à Radio-Canada » qui annonçait le début de l'émission « L'heure du concert ». Photo : Radio-Canada / La semaine à Radio-Canada, vol. V, no 27, du 10 au 16 avril 1955

Les illustrations de Frédéric Back enchantent à ce point les téléspectateurs qu'il gagne peu à peu en notoriété. En 1956, au moment de la diffusion d’un concert sur le thème du Vilain petit canard, le grand chef d’orchestre Wilfrid Pelletier ne manque pas de le présenter :

« Radio-Canada est non seulement contente de vous présenter une première, mais on fait appel au grand talent de Monsieur Back pour en faire des illustrations que vous verrez sur l'écran, des illustrations magnifiques, pleines de vie et d'animation. »

— Une citation de   Le chef d'orchestre Wilfrid Pelletier
Frédéric Back à bord d'un décor de bateau avec trois collègues à ses côtés. À l'arrière-plan, une grande toile qui montre l'illustration d'un port complète le décor.
Le décorateur Frédéric Back en compagnie de ses collègues Guy Hoffmann, Jacques Forget et Guy Gingras dans un décor réalisé pour l'émission « Le roman de la science » en 1959. Photo : Radio-Canada

Parallèlement, Frédéric Back réalise des décors et des maquettes pour une variété de productions.

En 1967, il participe à la série télévisée D’Iberville. Réalisée en collaboration avec les télévisions de France, de Belgique et de Suisse, il s’agit de la production la plus ambitieuse jamais tournée à l’époque. Les maquettes de Frédéric Back impressionnent.

Frédéric Back, Guy Hoffman et Jean-Paul Boileau regardent un modèle réduit du Pélican, la goélette du personnage Pierre Lemoyne d'Iberville.
Le maquettiste Frédéric Back montre à ses collègues Guy Hoffman et Jean-Paul Boileau le modèle réduit d'une goélette réalisé pour la série « D'Iberville » en 1966. Photo : Radio-Canada / Francis J. Menten

Frédéric Back a conscience du public, tout yeux et tout oreilles au cours de ces premières années de la télévision canadienne. Il cherche constamment à innover afin de rendre ses réalisations moins statiques pour ce média en plein développement.

S’amorce alors un laboratoire d’animation. L'artiste utilise tous les moyens du bord pour animer ses dessins : ficelle, élastiques, ressorts, tirettes... Pour chaque effet, il fallait inventer quelque chose de nouveau, explique-t-il à l’émission Le Point en 1987.

Et Frédéric Back regorge de créativité et de débrouillardise.

Décor composé de quelques personnages d'époque en trois dimensions, conçus avec du papier à découper et de la ficelle.
Animation d'une scène à l'époque de Mozart réalisée par Frédéric Back pour l'émission « Fon Fon » en 1961. Photo : Radio-Canada

Ses expériences en animation se retrouveront dans la prestigieuse émission L’heure du concert. Ainsi, pour le concert L’enfant et les sortilèges, les sortilèges sont signés Frédéric Back.

Les émissions scientifiques telles que Les mystères de la planète et La joie de connaître lui permettent aussi d’expérimenter. Il y teste l’animographe, un appareil d’animation rudimentaire mais ingénieux.

L'animation est un métier en soi qui est extrêmement compliqué, confie-t-il à l’émission Ciné-magazine en 1977.

Boursier du Conseil des arts du Canada, Frédéric Back s’envole en Europe en 1963 pour y suivre un stage de perfectionnement en caméra et en animation. Il y restera un an.

Frédéric Back sourit devant une de ses toiles.
Frédéric Back pose pour la série « Les maîtres de l'animation » en 1987. Photo : Radio-Canada / Jean-Pierre Karsenty

Maître de l’animation
Maître de l’animation

Au milieu de la quarantaine, Frédéric Back s'engage dans la création animée. Il est recruté par le Service d’animation de Radio-Canada, nouvellement créé par le dessinateur Hubert Tison. Celui-ci deviendra le producteur de tous les films primés de Back.

Entre 1968 et 1993, Frédéric Back réalisera dix courts métrages pour la Société Radio-Canada.

La filmographie radio-canadienne de Frédéric Back

  1. Abracadabra (1970)
  2. Inon ou la conquête du feu (1971)
  3. La création des oiseaux (1972)
  4. Nos chers vieux téléromans (1972)
  5. Illusion? (1974)
  6. Taratata (1977)
  7. Tout-rien (1978)
  8. Crac! (1981)
  9. L'homme qui plantait des arbres (1987)
  10. Le fleuve aux grandes eaux (1993)

C’est une nouvelle carrière pour l’illustrateur, qui doit désapprendre son métier afin d'adapter ses techniques à l’animation sur film. Il doit notamment simplifier la qualité de ses dessins afin de s’attarder à la qualité du mouvement.

Au début, le Service d’animation de Radio-Canada réalise des films de promotion et des commandes pour diverses émissions de télévision.

Puis, en 1970, vient une première demande de l’extérieur. L’Union européenne de radiodiffusion (UER) souhaite mettre sur pied un échange international d’émissions jeunesse. Chaque pays doit créer un film destiné à un jeune public qui pourra être diffusé par les autres pays participants. Frédéric Back est affecté à ce projet.

Premiers films pour la jeunesse

Abracadabra sera le premier fruit de cet échange. Ce court métrage animé de neuf minutes lui demande quatre mois de travail.

Le film raconte les péripéties d’enfants du monde entier pour libérer le soleil qu’un sorcier a enlevé et emprisonné. Le lien entre l’homme et la nature, si cher à Frédéric Back, est déjà au cœur de cette première création animée.

Abracadabra est remarqué au Festival international du film d'animation d'Annecy et la carrière du cinéaste est lancée.

Dans les courts métrages animés qui suivent, le message écologiste de l'artiste devient de plus en plus fort. Il fait aussi une grande place à l’histoire et aux traditions de sa terre d’accueil, le Québec.

Dans Inon ou la conquête du feu, Back se penche sur une légende anichinabée. Dans Illusion?, il critique le progrès qui passe par des solutions à court terme.

Une touche de taquinerie apparaît dans Taratata. Il y met en scène la célèbre parade folklorique de la Saint-Jean-Baptiste à laquelle un petit garçon a bien du mal à assister.

Tous ces films d'animation, créés dans le cadre de l’échange de l’UER, récoltent prix après prix.

Tout-rien

En 1978, Frédéric Back réalise Tout-rien, le film préféré de sa filmographie. Plus de 10 000 dessins éclatent dans cette allégorie de la création du monde qui dresse le portrait d’une humanité sans cesse insatisfaite.

Si l'on veut que les gens absorbent quelque chose, il faut le présenter sous un jour qui est attrayant, affirme-t-il au sujet de ce film à l'émission Le Point en 1987.

Montage d'archives : le film Tout-rien de Frédéric Back. Réalisation : Patrice Pouliot. 

Dans ce montage de nos archives, le cinéaste explique le message d’espoir que cachent les magnifiques images de Tout-rien. Pourquoi ne pas vivre en harmonie avec la nature plutôt que de toujours être en quête d’autre chose?

En 1981, Tout-rien devient le premier film dans l’histoire de Radio-Canada à être nommé aux Oscars.

Frédéric Back est très fébrile, comme toute la tour de Radio-Canada d’ailleurs. À l’époque, il travaille déjà à son prochain film d’animation, Crac!.

La veille de son départ pour la cérémonie des Oscars, la fatigue et l’énervement lui font faire un faux mouvement. Alors qu’il fixe un dessin à l’aide d’une laque à séchage rapide, des vapeurs du produit nocif atteignent son œil droit, dont il perdra l’usage.

Frédéric Back est assis à son bureau, crayon et tablette à la main. Un verre noir inséré dans sa monture de lunettes camoufle son œil droit. À l'arrière-plan, bon nombre de ses dessins sont affichés au mur.
Frédéric Back à sa table de travail en 1989. Photo : Radio-Canada

Il ne fait pas grand cas de cet accident de travail qui le handicape pour le reste de sa vie.

On s’habitue à un champ limité, déclare-t-il au Point en 1987.

Crac!

Crac! raconte l’évolution de la société québécoise à travers l’histoire d'une chaise berçante qui partage la vie d’une famille de génération en génération. Maintes fois réparée puis abandonnée, la berceuse trouve finalement sa place dans un musée d’art moderne, où elle crée tout un engouement.

Frédéric Back croit réaliser un film sur la nostalgie et sur le patrimoine qui plaira surtout au Québec. Il rayonnera beaucoup plus loin, jusqu’au Japon notamment, de même qu'aux États-Unis…

Le 29 mars 1982, le réalisateur reçoit à Los Angeles l’Oscar du meilleur court métrage d'animation pour ce film.

Montage d'archives : Le film Crac! de Frédéric Back. Réalisation : Patrice Pouliot. Photo : Radio-Canada / Frédéric Back

Notre montage d’archives revient sur cet événement.  Salut Québec et thank you very much to you all, s’exclame Back sur scène en allant récupérer son Oscar.

On sent la poussée de tous les gens qui ont souhaité que ce film gagne, témoigne-t-il quelques années plus tard. Le cinéaste raconte aussi la genèse de ce film, né d’une courte rédaction scolaire de sa fille Süzel.

Frédéric Back dans une chaise berçante avec son Oscar. Autour de lui, ses proches et les membres de l'équipe du film « Crac! ».
L'équipe du film « Crac! » rassemblée autour du cinéaste Frédéric Back qui se berce avec son Oscar. Assis : Gervais Lessard, accordéon, Ghylaine Paquin-Back, Pierre Vézina, guitare. Debout : Hubert Tison, producteur délégué, Normand Roger, Michel Descombes, Claude Lapierre, Jacques Leroux, Jean Robillard, Gilles Paré, André J. Riopel et Claude Méthé, violon. Photo : Radio-Canada / Guy Dubois

Dans la création de ses animations, Frédéric Back sort des techniques traditionnelles du dessin animé. Pour Illusion?, il utilise le dessin au trait de crayon-feutre sur acétate. Pour La création des oiseaux, il se sert de papier découpé.

Illustration d'Autochtones mi'kmaw qui avancent dans une forêt de conifères.
Dessin de travail avec papier à découper tiré du film d'animation « La création des oiseaux ». Photo : Radio-Canada / Frédéric Back

Avec Crac!, il consolide un procédé qui lui permet d’en arriver à une image plus fluctuante avec de riches nuances de couleur.

Les 8000 dessins qui composent ce film sont réalisés avec des crayons de bois Prismacolor sur de l’acétate dépoli. Cette surface rugueuse est plus résistance que le papier-calque et permet au crayon d'y mordre.

Cette même technique marquera les esprits dans le film L’homme qui plantait des arbres.

Illustration d'un vieillard qui contemple un arbre mature.
Dessin tiré du film d'animation « L'homme qui plantait des arbres ». Photo : Radio-Canada / Frédéric Back

L’homme qui plantait des arbres

Son premier Oscar pour le film Crac! consacre internationalement le travail de Frédéric Back. Cette reconnaissance lui permet de réaliser un projet audacieux : mettre en images la nouvelle L’homme qui plantait des arbres de Jean Giono, un texte qu'il affectionne depuis une dizaine d’années.

Si ses films précédents faisaient référence à la culture québécoise, celui-ci se concentre sur son message écologique.

Ce récit raconte comment un homme simple et bon, à l'écoute de la terre, parvient à faire surgir une forêt dans une région retirée et désertique.

D’un point de vue cinématographique, le film comporte peu de coupures. Les plans s’enchaînent comme les phrases du récit.

Illustration d'une scène de danse annotée à la main.
Planche de travail pour le film d'animation « L'homme qui plantait des arbres ». Photo : Radio-Canada / Frédéric Back

Cinq ans de travail sont nécessaires pour réaliser les 20 000 dessins qui animent cette histoire.

Frédéric Back est entouré d’une équipe loyale. Lina Gagnon le seconde pour tracer une partie des dessins. Normand Roger – qui collabore aux projets du cinéaste depuis Illusion? – compose la trame sonore du film. Claude Lapierre et Jean Robillard travaillent à la table d'animation et Norbert Pickering se charge du montage. Le producteur délégué Hubert Tison défend quant à lui le projet du début à la fin tout au long du processus de production.

La narration est confiée au grand comédien français Philippe Noiret. Le Canadien Christopher Plummer assure pour sa part la narration de la version anglaise.

Vendu dans une soixante de pays, ce film sera adapté dans de nombreuses autres langues : japonais, allemand, créole, espagnol, malien, maya…

« Il y avait beaucoup d’appréhension que ce film ne réponde pas à ce que j’en espérais. Et finalement, il a fait le tour du monde. »

— Une citation de   Frédéric Back
Montage d'archives : Le film L'homme qui plantait des arbres de Frédéric Back. Réalisation : Patrice Pouliot. 

L’homme qui plantait des arbres est considéré comme le chef-d’œuvre absolu de Frédéric Back

En 1988, lors de la 60e cérémonie des Oscars, le réalisateur remporte pour une deuxième fois la statuette dorée pour le meilleur court métrage d’animation.

Le film L’homme qui plantait des arbres gagnera une quarantaine de prix sur la scène internationale.

Notre montage d’archives montre aussi l’accueil que Frédéric Back reçoit à la Maison Radio-Canada à son retour de Los Angeles. Ses deux Oscars en main, il prend un bain de foule parmi les employés de Radio-Canada venus célébrer avec lui.

« Il y a tellement de domaines dans lesquels les gens se dévouent sans espoir de récompenses faramineuses! On ne connaîtra jamais toute la profondeur et la qualité de leur dévouement. C’est ce que Jean Giono exprime avec son personnage d’Elzéard Bouffier. »

— Une citation de   Frédéric Back
Illustration d'un voilier qui vogue près du rocher Percé, qui avait deux trous à l'époque.
Dessin tiré du film d'animation « Le fleuve aux grandes eaux ». Photo : Radio-Canada / Frédéric Back

Le fleuve aux grandes eaux

Frédéric Back termine sa carrière à Radio-Canada en 1993 avec le film Le fleuve aux grandes eaux.

Ce film, qui a également été en lice aux Oscars, retrace l'histoire du fleuve Saint-Laurent, utilisé et exploité par les marchands de fourrures, par les pêcheurs et par l'industrie forestière.

Le fleuve aux grandes eaux remportera une vingtaine de prix, dont le grand prix du Festival international du film d'animation d'Annecy.

Frédéric Back prend sa retraite une fois son dernier film d’animation achevé. Le studio d’animation de Radio-Canada ferme avec lui.

Les grands honneurs

La contribution de Frédéric Back à l'art de l'animation du 20e siècle mérite à tout prix d’être soulignée.

En 1986, l'Association internationale du film d'animation reconnaît l'ensemble de son œuvre. Il est aussi fait officier de l'Ordre du Canada, chevalier de l'Ordre du Québec et officier de l'Ordre des arts et lettres en France.

Le plus grand couronnement de sa carrière, Frédéric Back le reçoit au Japon.

Téléjournal, 4 juillet 2011 

Comme en témoigne ce reportage diffusé au Téléjournal du 4 juillet 2011, le Musée d’art contemporain de Tokyo lui consacre alors une grande exposition rétrospective.

Seul un autre cinéaste étranger avait jusqu’alors reçu un tel honneur de ce prestigieux musée : Walt Disney.

La journaliste Catherine Mercier accompagne l’artiste canadien, qui a fait le voyage pour cet hommage. Je ne m’attendais pas à quelque chose d’aussi délirant, d’aussi immense, exprime-t-il avec modestie.

Frédéric Back pose avec une branche de muguet qui cache son œil droit.
Portrait de Frédéric Back comme amoureux de la nature. Photo : Radio-Canada / Michel Rouette

Artiste engagé
Artiste engagé

Frédéric Back est originaire de la région de Sarrebruck, en Allemagne, à l’époque rattachée à la France. Issu d'une famille d'artistes alsacienne, il développe très jeune un goût particulier pour le dessin. Illustrer la faune et la flore qui l’entourent devient le mode d’expression favori de cet amoureux de la nature.

Son maître, le peintre Maturin Méheut, lui donne un mantra : peindre afin de noter la réalité qui nous entoure.

Frédéric Back découvre le Canada grâce aux illustrations de Clarence Gagnon pour le roman Maria Chapdelaine. Des années plus tard, curieux d’en connaître plus sur ce Québec lointain, il amorce une correspondance avec une Québécoise par l’entremise de l’association Normandie-Canada.

En toute liberté, 20 mars 1994 

Pendant deux ans, sa correspondante Ghylaine Paquin, une jeune institutrice dans la région des Laurentides, lui vante les beautés du Québec dans des récits, sur des cartes postales et autres délices. C’est ce qu’il raconte dans cette entrevue à l’émission En toute liberté du 20 mars 1994.

En juillet 1948, il arrive au Canada à bord du chalutier malouin Le Foudroyant. Il part à la rencontre de sa correspondante. Trois jours après son arrivée à Montréal, il s’empresse de la demander en mariage!

L’été suivant, les jeunes gens se marient et traversent le Canada en train en guise de lune de miel. Le trajet est parsemé d’arrêts qui permettent à l’artiste de peindre les paysages et les scènes qui l’émerveillent.

Frédéric Back fait plus ample connaissance avec sa terre d’accueil. Il s’imprègne peu à peu de son patrimoine et de sa culture, qu’il s’efforcera de transmettre dans son œuvre.

Illustration de cinq fous de Bassan sur un rocher en mer.
Dessin tiré du film d'animation « Le fleuve aux grandes eaux ». Photo : Radio-Canada / Frédéric Back

Dès le début de sa filmographie, le cinéaste met son talent au service d’un message. Il cherche à informer et à sensibiliser son jeune public à la beauté du monde qui l’entoure et au respect qu’on doit aux animaux et à la nature. Il le met aussi en garde contre le progrès à toutes les sauces et contre la rapacité de l’espèce humaine.

À mesure que sa carrière avance, Frédéric Back juge primordial de donner un sens environnemental à ses films, dont le public s’élargit.

L’homme qui plantait des arbres constitue l’apogée de sa démarche sociale et écologique.

Au-delà du succès mondial et de ses qualités graphiques et cinématographiques, ce film a permis de planter des arbres.

Téléjournal, 26 mars 1989 

Ce reportage diffusé au Téléjournal du 26 mars 1989 en témoigne. Inspirés par l’œuvre, des enfants du village de Châtillon-en-Diois, dans le sud de la France, ont décidé de planter une nouvelle forêt.

Le journaliste Raymond Saint-Pierre assiste à cet événement majeur de la petite histoire de la région. Frédéric Back, qui parraine l’entreprise, y est accueilli en héros. Devant les locaux de l’administration régionale, il plante un érable, cadeau de la Ville de Montréal.

Voilà un des nombreux exemples d’initiatives pour préserver l’environnement qui ont suivi la vaste diffusion de ce film.

Le militantisme de Frédéric Back

Frédéric Back se réjouissait que ses créations soient utilisées comme outils pédagogiques. De la même façon, il n’hésitait pas à mettre son talent au service de certaines causes, grandes et petites.

En novembre 1988, il convainc par exemple ses collègues de Radio-Canada d’adopter un béluga.

Les bélugas sont devenus les symboles du fleuve Saint-Laurent puisque leur survie est reliée à celle du fleuve lui-même et de toutes les espèces qui en dépendent, écrit-il.

Court article avec une citation de Frédéric Back et une illustration d'un béluga que l'illustrateur a réalisée.
Article sur le projet d'adoption d'un béluga dans « Circuit fermé », la revue du personnel de Radio-Canada. Photo : Radio-Canada / Circuit fermé, 1er novembre 1988

À la suite de sa campagne, les employés de Radio-Canada deviennent officiellement les parrains et marraines du béluga Antarès. Baptisé ainsi par Frédéric Back, l’animal est facilement reconnaissable en raison des deux cicatrices en forme d’étoile sur son dos.

L'argent recueilli permettra de financer les recherches de l'Institut d'écotoxicologie de Rimouski.

Illustration de deux baleines qui nagent dans le fleuve Saint-Laurent.
Dessin tiré du film d'animation « Le fleuve aux grandes eaux ». Photo : Radio-Canada / Frédéric Back

L’artiste engagé milite aussi dans plusieurs organisations, notamment Amnistie internationale, Eau Secours!, la Société québécoise pour la défense des animaux et la Société pour vaincre la pollution.

Frédéric Back contribue aux actions de ces mouvements non seulement en produisant des affiches et des dessins mais aussi en prenant la parole.

Atome et galaxies, 27 mai 1971 

En tant que membre fondateur de la Société pour vaincre la pollution (SVP), il s’exprime à l’émission Atome et galaxies du 27 mai 1971.

Dans cet extrait de l’émission, la SVP est décrite comme une jeune organisation dynamique dont l’action s’inspire des méthodes d’animation sociale.

À propos de la pollution, Frédéric Back affirme que c’est une chose beaucoup trop grave pour être confiée à des politiciens. Derrière lui, un dessin esquissé à la craie illustre son propos.

Son engagement en tant qu’artiste lui vaudra le prix des Artistes pour la paix en 2010.

Illustration d'une meute de loups qui hurlent aux côtés d'un orignal.
Dessin tiré du film d'animation « Inon ou la conquête du feu ». Photo : Radio-Canada / Frédéric Back

La Ville de Montréal lui réserve aussi un grand honneur quelques années après son décès, le 24 décembre 2013.

Inauguré le 26 août 2017, le parc Frédéric-Back est un vaste espace vert au cœur du Complexe environnemental de Saint-Michel. Aménagé sur un ancien site d’enfouissement, il constitue le plus grand projet de réhabilitation environnementale en Amérique du Nord.

Au dire de sa fille Süzel, Frédéric Back aurait été fier de ce parc urbain qui illustre parfaitement la philosophie exprimée dans ses films.


Crédits :

Recherche et rédaction : Élodie Gagné | Recherche d'archives : Marie-Josée Ferron, Sylvie Cournoyer, Service de gestion des documents de Radio-Canada | Réalisation des montages d'archives : Patrice Pouliot

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