S’il est vrai qu’on mange avec les yeux, on déguste aussi les plats avec les oreilles, car l’univers sonore des aliments contribue largement à nous faire saliver… ou grimacer.
Le duo de nutritionnistes Catherine Lefebvre et Bernard Lavallée anime le balado On s’appelle et on déjeune(Nouvelle fenêtre), où l’on fait part de découvertes liées à l’univers de l’alimentation et l’on discute de sujets qui font réfléchir. À écouter sur OHdio!
On aime entendre (et sentir!) les oignons frire dans une poêle et le son émis lorsqu’on croque dans une pomme bien fraîche ou dans nos croustilles préférées.
Des milliards de vues
D’ailleurs, les vidéos culinaires qui mettent le son en vedette se multiplient sur les réseaux sociaux, surtout sur TikTok. Les vidéos qui misent sur la réponse autonome des méridiens sensoriels (communément appelée ASMR, pour autonomous sensory meridian response en anglais) avec des bruits répétitifs générés par la nourriture sont tellement populaires que le mot-clé #asmrcooking revient 2,1 milliards de fois sur TikTok.
On utilise aussi tous les sons de la cuisine, comme les coups de couteau sur la planche à découper, l'ouverture des bouteilles d’huile et de condiments, l’eau qui bout à gros bouillons… Puis, grâce à un montage serré, chaque recette devient très rythmée et franchement divertissante à regarder.
Au-delà de la préparation, il y a aussi tous ces aliments qui produisent un son alléchant, comme les fruits qu’on enrobe d’un sirop de sucre. Ça les rend croquants comme une pomme au sucre que l’on trouvait jadis dans les parcs d’attractions.
Entre phénomène commercial et dégoût
D’ailleurs, l’engouement pour ces vidéos est si grand qu’il peut mener rapidement au développement de certains produits et à l’ouverture de boutiques, comme Sour Bites(Nouvelle fenêtre) et Sour Busters(Nouvelle fenêtre), qui reflètent des tendances sur TikTok ou autres réseaux sociaux.
Si tous ces sons donnent l’eau à la bouche, d’autres dégoûtent plusieurs personnes. Pensons aux bruits de bouche produits lorsque quelqu’un mange un hamburger trop juteux ou un sandwich aux œufs généreusement garni de mayonnaise sur un pain blanc moelleux, sans oublier la mastication des cornichons! Si vous détestez ces bruits au plus haut point, vous êtes peut-être misophone. Je fais d’ailleurs partie des personnes qui vivent avec la misophonie.
Trouver le bon son sans susciter le dégoût
Dans les séries télé, les films et les publicités, les personnes responsables des sons doivent donc choisir judicieusement ceux qui seront amplifiés et atténués, voire mis en sourdine, pour éviter de dégoûter les téléspectateurs et téléspectatrices qui présentent ce trouble.
Olivier Rivard, mixeur de son et superviseur sonore au studio Lamajeure, en sait quelque chose. Son travail consiste à modifier les sons pour toutes sortes de productions afin qu’ils aient la note juste, à la façon d’un Photoshop sonore.
Une boisson gazeuse, par exemple, doit sonner désaltérante. Pour recréer le pschitt de la canette, je vais la brasser avant de l’ouvrir, dit-il. Comme ça, ça va amplifier le son de l’ouverture. On place un micro très proche et on va même peaufiner le son avant de l’ajouter à l’image de la canette qui s’ouvre dans la publicité pour qu’elle ait l’air vraiment rafraîchissante.
Un processus similaire est utilisé pour tout ce qui est croquant et frais. À l’inverse, les misophones ne veulent absolument pas entendre le son produit lorsqu’on mange un tartare!
Ces spécialistes du bruit utilisent même des aliments pour concevoir toutes sortes d’autres sons, qui n’ont rien à voir avec la cuisine, afin d’évoquer des situations bien moins ragoûtantes. Par exemple, on peut recréer le son des pas dans la neige en manipulant… une boîte de fécule de maïs! Dans un contexte plus macabre, mettre les doigts dans un pamplemousse donne l’impression sonore qu’on joue dans les entrailles de quelqu’un.
Force est de constater qu’une attention toute particulière est apportée aux sons des aliments dans l’univers audiovisuel, que ce soit pour nous faire saliver ou nous lever le cœur!
